Liège, le 21 juin 2010
Administration Communale de Liège
Permis d’Environnement
A l’attention de Monsieur Daniel DENOEL
Cité Administrative, 5ème étage, Local 509
En Potierue, 5
4000 LIEGE
Concerne : Ref 1/1/18/DS/dd
Monsieur,
nous nous permettons de vous adresser ce courrier dans le cadre de l’enquête publique concernant la demande de permis unique déposée par la SA FEDIMMO ayant trait à une demande de construction d’un immeuble de bureaux de 28 niveaux (R+27) à l’usage du SPF Finances ainsi que la démolition des bâtiments existants et une demande relative à la modification à la voirie communale.
Notre quartier est donc au centre du projet concerné, et particulièrement de la Tour des Finances de 118 mètres de hauteur qui fait partie intégrante de ce projet. Celui-ci a déjà suscité de nombreuses réactions hostiles d’habitants de notre quartier (voir réunion publique de lancement de l’enquête fin mai 2010).
Notre comité a donc décidé, dans le respect de ses statuts, de s’opposer à ce projet d’autant que nous avons la nette impression que le dialogue avec Fedimmo et l’échevin Michel Firket n’a jusqu’à présent pas permis d’évoluer sur la philosophie du projet, à savoir édifier, coûte que coûte, cette gigantesque tour de près de 140 mètres de hauteur.
Concernant la construction de cet immeuble, nous nous opposons donc formellement à la réalisation de ce projet pour les raisons suivantes :
1) D’un point de vue légal, le projet de tour ne respecte pas le PRU, ni le PCA43/3.
En effet, selon l’arrêté ministériel du 27 décembre 2007 arrêtant le PRU, en définissant le projet urbanistique, le PRU signale que l’objectif est, au niveau des gabarits, de prévoir deux échelles : la première correspond à des bâtiments qui répondent à des constructions traditionnelles (19éme siècle) du quartier et la seconde, nous citons « le long de l’esplanade, une ou quelques « émergences ponctuelles » « d’échelle métropolitaine » seront autorisées, avec une hauteur plus élevée répondant aux gabarits de la gare ou des immeubles des quais. Une Tour peut ainsi être étudiée du coté des berges ».
La hauteur de la gare étant de 40 mètres, le projet ne peut présenter qu’un gabarit similaire. Cette limite est d’ailleurs confirmée par la hauteur maximum de 40 mètres indiquée dans la figure 9, « forme urbaine et densité ». Le projet, qui présente une hauteur de 118 mètres et dont la flèche culmine à 136 mètres, ne correspond donc en aucune manière aux objectifs du PRU, tels qu’ils ont été proposés par le Conseil communal de la Ville de Liège et arrêtés par le Gouvernement wallon.
Il ne nous apparait pas utile de développer dans ce courrier tout l’argumentaire juridique lié à cette problématique. Il est cependant intéressant de lire attentivement la lettre reprise dans les annexes de l’EIE (Etude d’Incidence sur l’Environnement), texte envoyé par le holding SNCB qui explique remarquablement le non respect de ces différents cadres urbanistiques.
La demande de Permis Unique est d’ailleurs parsemée de justifications par Fedimmo pour le non-respect de certaines dispositions du PRU ou du PCA. A ce sujet, il est étonnant de constater que Fedimmo utilise le PRU lorsque celui-ci est favorable au projet mais justifie son non-respect ou favorise une interprétation favorable des documents dès que les dispositions urbanistiques entrent en conflit avec leur projet. Notons que cette problématique de légalité du projet est analysée dans plus d’un tiers de leur document.
2) D’un point de vue sociologique et économique, l’édification d’une tour d’une telle hauteur, va créer une situation de ghetto pour les fonctionnaires, préférant pour des raisons pratiques et de temps, rester dans leur tour pendant la pause de midi sans partager la vie sociale et économique du quartier. La concentration physique à la verticale de cette population ne pourra pas irriguer le quartier de leur présence et créera, à l’inverse, des goulots d’étranglement tant au niveau circulation que parcage des automobiles (voir ci-dessous). Une diminution des retombées économiques pour les commerçants (rue des Guillemins) du quartier serait à prévoir.
3) D’un point de vue vie des habitants, les conséquences de ce projet seront considérables pour la vie quotidienne future du quartier et du patrimoine immobilier de ces habitants :
— La perte d’ensoleillement du quartier par l’ombre produite par la tour :
L’EIE démontre l’importante perte d’ensoleillement pour les habitants proche du projet. Les arrières des immeubles du quai de Rome et de l’avenue Blonden ainsi que les façades des rues Paradis et Fragnée seront touchées par cette gigantesque ombre.
— La perte d’intimité
La vue plongeante d’un certain nombre de bureaux sur l’intérieur de nombreux immeubles de l’arrière de l’avenue Blonden et du quai de Rome limiterait l’intimité de ceux-ci.
— Un embouteillage urbain permanent :
La concentration humaine engendrée par 27 étages et en parallèle, l’impossibilité d’améliorer la structure des rues du quartier créeraient un embouteillage constant et une paralysie du quartier aux heures de pointe. Nous sommes particulièrement attentifs sur ce plan car l’EIE reste peu convaincant sur ce point d’autant que de nombreuses inconnues subsistent sur l’aménagement de la place devant la gare.
Si ce projet devait se réaliser, nous serions également très inquiets pour la période de construction de l’immeuble. Le trafic des camions serait intense et concentré sur un lieu de destination limité dans sa surface.
— Les problèmes de parking :
Le projet prévoit une augmentation de 25% de fonctionnaires mais une diminution de 50 % des parkings réservés à ces personnes. L’EIE table sur une réorientation des moyens de transports utilisés par les fonctionnaires alors que la grande majorité d’entre eux seront contraints de ne pas changer leurs moyens actuels (ils peuvent déjà à présent bénéficier d’abonnements gratuits à la SNCB et au TEC). Il serait donc quasi impossible de se garer dans de nombreuses rues du quartier.
Il est d’ailleurs très inquiétant de constater que l’EIE recommande en page 648 « d’agrandir le périmètre de stationnement géré dans un rayon de 500m autour du projet (env. 10 min à pied) – y compris dans le parking Boverie suite à la réalisation de la passerelle ». Ceci aura pour conséquence de congestionner également les quartiers périphériques à la zone considérée (sans parler de la pression sur Cointe).
— Les conséquences sur la valeur de nombreux biens mobiliers :
Contrairement à ce que prétend l’EIE, la construction de cette tour dévaloriserait de façon significative la valeur de nombreux biens immobiliers du quartier. En effet, la valeur d’une habitation est grandement influencée par son environnement immédiat. Cette tour diminuerait incontestablement la qualité de vie dans ces lieux et dans le quartier.
— Les nuisances sonores :
La construction d’un tel édifice entrainerait des nuisances sonores importantes. En effet, la réalisation des fondations et la montée des matériaux pour l’édification d’un tel bâtiment augmenteraient ces nuisances.
— Les inconvénients futurs de la maintenance voire du remplacement à terme de ce type de bâtiment :
Nous craignons que dans une vingtaine d’années de nouveaux travaux importants affecteront, de nouveau, la vie de notre quartier. En effet, la nécessaire rénovation d’une tour d’une telle hauteur impliquerait à nouveau inévitablement des nuisances diverses alors qu’un bâti plus modeste dans sa hauteur mais plus vaste dans sa base permettrait une maintenance plus simple et moins dommageable pour la vie des habitants de notre quartier.
— Les dégradations dans certains immeubles
La construction de cette tour entrainerait des vibrations importantes pour certains immeubles susceptibles de créer des fissures ou crevasses. La proximité de la Meuse et le passé minier liégeois amplifie notre inquiétude. Nous sommes inquiets de lire l’ensemble de la page 333 qui conclut une citation reprise dans le PRU : « Quelques tassements pourraient se produire et quelques fissures pourraient apparaitre dans certaines constructions existantes, mais il n’y aurait rien d’anormal à cela ». Par ailleurs en page 665, la recommandation de l’EIE de procéder à un état des lieux des constructions proches indique implicitement les risques importants auxquels nous serions exposés.
4) D’un point de vue esthétique, le design de cette tour n’apporterait aucune valeur patrimoniale à notre ville à l’inverse de la gare Calatrava. Le projet de façade arrière vue par une grande partie du quartier et notamment de la Gare des Guillemins est « pauvre » et ne présente architecturalement aucun intérêt. Il serait d’ailleurs regrettable que tout usager de la gare ait, en sortant de celle-ci, comme premier repère urbain de la ville de Liège, cette grosse émergence inesthétique.
La première perception d’un gigantesque « fer à repasser » qui s’en dégagerait, ne correspond à aucune référence particulière de Liège ou du quartier (diamant pour Anvers comme exemple de référence). Il écraserait, par sa masse et son manque de finesse esthétique, le caractère gracieux et féminin des formes de la gare des Guillemins.
L’argumentaire repris par les promoteurs du projet pour justifier de sa hauteur, à savoir utiliser la verticalité pour « jouer » avec l’horizontalité de la gare, illustre la faiblesse intellectuelle de ce raisonnement. Au contraire, cette tour annulerait toute tentative de cohérence de la perspective Guillemins-Médiacité.
5) D’un point de vue qualité de vie du quartier, ce projet est un véritable désastre. Outre, les nombreux problèmes déjà évoqués (circulation, parking, niveaux sonores, durée des travaux pour rénover l’ensemble de la parcelle Fedimmo…) la vie à l’ombre de cette tour ne créerait aucun lien social. A l’inverse, elle rendrait sa vie plus impersonnelle et la convivialité qu’une esplanade partant de la Gare jusqu’à la Meuse pourrait apporter, serait complètement annihilée par son gabarit imposant.
De plus, le contexte économique et spatial du quartier et de la ville de Liège, ne justifie en aucun cas, la nécessité d’exploitation en une telle hauteur, de l’espace au sol.
6) D’un point de vue sécurité, le bureau d’étude de stabilité a l’honnêteté de reconnaitre qu’il « ne peut exclure le risque d’effondrement de l’immeuble en cas d’attentat visant la tour. Dans une telle hypothèse, il existe un risque évident d’incidences sur la stabilité des constructions voisines du projet. » (Demande de Permis Unique Fedimmo p114). Ce risque inhérent à ce type de construction de Tour à usage publique explique une raison pour laquelle les autorités locales de nombreux pays ne souhaitent plus, depuis le 11 septembre 2001, favoriser ce type d’architecture sauf en cas de contraintes spatiales particulièrement importantes. Cette contrainte est inexistante dans notre cas.
Concernant la démolition des immeubles existants, deuxième élément de la demande de permis unique, elle n’est à envisager que dans le cadre des alternatives proposées (voir ci-dessous), dans la mesure où nous nous opposons à l’octroi du permis. Signalons cependant, que la demande de permis ne nous rassure pas complètement concernant le bruit de ce travail et surtout le désamiantage des bâtiments avec ses conséquences sur la vie des habitants du quartier.
En conclusion, le comité de quartier Guillemins-Blonden asbl s’oppose formellement à la construction de cette tour pour les raisons reprises ci-dessus mais également pour la non-conformité du projet à la réglementation en vigueur et au bon aménagement des lieux. Nous examinerons, avec bienveillance, tout recours introduit par des habitants du quartier contre ce projet.
À l’inverse, comme le démontre l’EIE dans l’étude des alternatives possibles (Partie V ) pour la réalisation de bâtiments sur le terrain appartenant à Fedimmo, il nous parait normal de construire, sans l’édification d’une telle tour, des bureaux dédiés au Ministère des Finances sans perturber l’ensemble de la vie de notre quartier. L’alternative que nous avions soutenue Rue du Plan Incliné devrait être aussi réenvisagée.
Vous remerciant pour la bonne suite que vous ne manquerez pas de réserver à la présente, nous vous prions, Monsieur, d’agréer l’expression de nos salutations distinguées.
Pour le comité de quartier Fragnée-Blonden asbl
Gérard Debraz
Président