
La presse des derniers jours s’en fait l’écho : la SNCB a décidé de bloquer l’aménagement de la place des Guillemins, dont les travaux étaient pourtant prévus pour septembre. Elle ne souhaite pas, apprend-on avec stupeur, que son bel édifice soit défiguré par... le passage des bus (!), dont les arrêts doivent en effet être construits sur la place. Fidèle à ses conceptions esthétiques autoritaires, elle ne veut pas non plus que la « symétrie » des lieux soit affectée.
Par cette attitude, la société — pourtant — publique entrave tout bonnement l’aménagement de tout un quartier, au préjudice de ses dizaines de milliers d’habitants et d’usagers quotidiens. Ce faisant, elle participe, soit dit en passant, à ternir l’image d’une gare qu’elle dit pourtant vouloir à tout prix « mettre en valeur ». Cette attitude irresponsable — compte-tenu des contraintes du financement européen conditionné par un aménagement de la place d’ici fin 2014 — décrédibilise la SNCB comme institution publique capable d’œuvrer pour le bien commun et non dans son unique et propre intérêt. En effet, il ne s’agit pas ici, comme le martèlent ses administrateurs, de faire valoir au mieux « un investissement » de centaines de millions d’euros, mais bien de permettre la réalisation d’un espace fonctionnel et de qualité au service de la collectivité.
Face à cette attitude, la plate-forme Guillemins.be, réunissant six associations concernées par le devenir du quartier des Guillemins (le comité de quartier Fragnée-Blonden, l’Association des commerçants de la rue des Guillemins, le Comité des riverains de la gare, la section liégeoise du Gracq, le comité de quartier Bronckart et de l’asbl urbAgora) :
— Rappelle une nouvelle fois à la SNCB et à sa filiale Euro-Liège-TGV — bien qu’il s’agisse d’une évidence — qu’une gare de chemin de fer, en tant qu’équipement public collectif, doit être au service de la ville et de ses usagers et non l’inverse. Chacun sait — la SNCB la première — qu’une place devra être aménagée devant la gare. Et que c’est aux autorités communales qu’il revient de piloter ce processus. En refusant d’admettre ces évidences, MM. Bourlard, Fontinoy et consorts trahissent la mission pour laquelle ils sont mandatés.
— Souligne en particulier le fait que la gare des Guillemins est — et sera, plus encore, quand le tram sera construit — le principal point d’échange entre le réseau de transports urbains et le réseau ferroviaire. En conséquence de quoi, la qualité de la correspondance entre les différents modes de transports sera déterminante pour l’attrait des transports en commun dans toute l’agglomération. On savait déjà que la SNCB avait « oublié » de prévoir une gare des bus digne de ce nom dans le projet de la gare. On constate maintenant que la SNCB entend empêcher au transport public urbain d’accéder à proximité directe de « sa » gare. Faut-il en conclure que, pour la SNCB, le transport des personnes est une préoccupation secondaire ? La SNCB semble en tout cas n’œuvrer que dans le but de créer un « écrin » pour une gare-monument déconnectée des réalités de la ville. C’est notamment ce qu’on constate en observant l’aménagement provisoire réalisé (sans permis) devant la gare : certes verdurisé, il est surtout difficilement accessible (les bordures empierrées, les gardes corps ceinturant par endroits la pelouse, ne facilitent en rien la circulation des personnes, provoquant, à l’heure de pointe, des encombrements parfaitement évitables) et ne s’inscrit dans aucune conception globale des espaces alentours (l’ancienne place des Guillemins ou la nouvelle esplanade jusqu’à la Meuse), au contraire de celle proposée par Dethier et associés.
— Déplore le fait qu’Euro-Liège TGV se comporte comme un spéculateur. Le respect de la propriété privée — aujourd’hui invoqué comme un talisman alors que celle-ci ne concerne que des terrains non bâtissables dont la fonction ne fait pas débat — ne semblait pas préoccuper autant la SNCB lorsqu’elle a exproprié sans motif valable [1] d’importants terrains [2] dans le seul but de capter la plus-value foncière générée par la gare et de valoriser d’autres terrains jusqu’alors inaccessibles. Les personnes qui ont perdu leur logement et, pour bon nombre d’entre elles, dû quitter le quartier dans le cadre de ces opérations de « valorisation » apprécieront sans nul doute.
— Réitère son soutien au projet architectural et paysager de la place élaboré par Dethier et associés, TER, Atelier 4D, Ney & Partners et Partenaire Développement. Ce projet, qui est passé par toutes les étapes requises et a reçu un permis d’urbanisme, constitue une réponse cohérente et ambitieuse à la construction de la gare ; il se met au service des habitants du quartier en créant un espace appropriable par tous (les usagers faibles en tête), tissant des liens transversaux avec les rues voisines. Bref, il dépasse de loin en qualité toutes les esquisses architecturales proposées depuis plusieurs années par Euro-Liège TGV et son architecte mandaté, Santiago Calatrava.
— Suggère au Collège communal de procéder sans délai à l’expropriation des terrains appartenant à la SNCB autour de la gare des Guillemins. Face à l’obstruction caractérisée dans laquelle se complait la société de transports, l’utilité publique de ces expropriations est avérée de la plus manifeste des façons. L’opération pourrait d’ailleurs être budgétairement neutre pour les autorités communales.
— Adresse ce jour un courrier à la ministre des entreprises publiques, Mme Inge Vervotte pour lui demander de rappeler la SNCB au respect de son contrat de gestion. Les écarts répétés de la SNCB vis-à-vis de celui-ci ne sont plus acceptables. Que la SNCB se préoccupe de fournir un service ferroviaire de qualité — c’est semble-t-il déjà beaucoup lui demander — plutôt que de chercher à s’immiscer dans la politique urbanistique et dans le débat démocratique locaux.